Daran - Endorphine
Hormone de décroissance
Si Daran comptait sur cet album pour se renouveler, il y a réussi. Malheureusement.
On avait pu écouter quelques mois auparavant le single "Je repars". Je m'étais demandé pourquoi sortir ce titre qui ne me semblait pas génial, bien qu'efficace avec son thème siffloté (une habitude chez Daran, depuis "Y a des chaises pour s'asseoir" jusqu'à "Les filles qui font la gueule" en passant par "L'amour et l'air" ou la dernière minute du Petit peuple du bitume). Aujourd'hui je sais pourquoi : il n'y a pas vraiment mieux dans l'album.
Je suis daranvore de longue date, mais pas du genre fan béat qui va encenser son idole quoi qu'elle fasse. Pour une fois, cette fiche japprecie risque de se transformer en fiche "je déprécie".
Ça commence mollement avec "Dur à cuire", mais c'est sur "Pauvre ça rime à rien" que ça se met à débloquer. Un texte (pourtant malin) débité à la va-comme-je-te-pousse, presque comme du rap. L'arrivée des chœurs (2:56) amène un peu d'éclairage, trop tard. Le pire est atteint avec "Halima", qui aurait pu être un bon blues, mais n'est qu'ennui.
Après ça, comment effacer cette impression de déception énorme ? Le mal est déjà fait.
Un peu de rock tout de même avec "Une plage sans chien", qui aurait pu s'appeler "Du vent", si ce n'était déjà pris (sur 8 barré).
Daran joue tous les instruments - à l'exception de la batterie, d'ailleurs sous-employée - mais les très bons sons de guitare électrique ne masquent pas la faiblesse des mélodies. Même la voix n'y est plus, c'est à peine chanté : tantôt parlé tantôt gueulé, souvent précipité. Parfois dans une sorte de théâtralité qui ne passe pas. Comme si son unique obsession était de caser à tout prix des flots de paroles sur une musique et des rythmes pas faits pour elles.
Quand ils ne sont pas tarabiscotés, les textes de l'excellent parolier Pierre-Yves Lebert (PYL) sont plutôt bons, comme de bien entendu, remplis de phrases chocs (il faut dire des 'punchlines' il paraît). « Je veux du wifi dans mon cercueil ». « Je cherche une rime avec pauvre, une rime riche si possible ». J'avais dit de l'album précédent, Le monde perdu, que les arrangements acoustiques dépouillés mettaient en valeur les textes. Là, c'est un peu le contraire.
Seule illumination, "Tout tout seul" vous rappelle que Daran a été si beau, qu'il a été si fort et si bon, et que cet album vient tout gâcher, on ne sait même pas pour quelle raison. Et je pense toujours à lui, derrière ma déception, tout seul comme un con.
Pour finir, le bavard "Je repars" nous ramène à une philosophie rock n' roll familière à Daran : l'insatisfaction ("I can't get no...")
C'est curieux d'avoir mis ce titre à la fin, alors qu'on l'aurait plutôt imaginé au début. À moins de le comprendre comme un "Bon, moi j'ai fini mon boulot, je vous laisse avec ce disque, et je repars" ?
Je me demande aussi quel est le problème de PYL avec le principe des impôts (car ce n'est pas la première fois qu'il nous fait le coup). Il a pris l'apéro avec Florent Pagny ?
Pour ma part, je trouve aujourd'hui plus de beauté dans la description des petits bonheurs d'une petite vie sage, comme la poésie de Volo par exemple. Pourtant, même si je n'adhère pas personnellement au sujet, je reste sensible à sa recherche d'un idéal et d'une vie en mouvement.
De la recherche, il en faudra à Daran pour se renouveler encore au prochain album. Et heureusement.
...
Et puis ?
Et puis on en reste là ? Ma chronique est bouclée. On range le disque et on attend le suivant ? Non bien sûr. On réécoute. À la fois par honnêteté intellectuelle, pour être sûr de ne pas rater quelque chose, et pour le bonheur de réécouter "Tout tout seul". Et d'ailleurs on réécoute tout, tout seul.
Et puis on secoue la tête, et le reste, sur "Une plage sans chien".
Et puis on se prend à fredonner la mélodie du refrain d'"Ici".
Et puis "Elle dit" nous ramène à "Une sorte d'église", donc en terrain connu.
Et puis on remarque d'autres phrases savoureuses bien envoyées. « La peur c'est bon pour le business ». « Des revenus indécents, les doigts dans la confiture ». « On ne résout pas les problèmes avec ceux qui les ont créés ».
Et puis on se réveille en pleine nuit avec dans le crâne « Ah ah ah... Les tueurs sont toujours plus morts que ceux qu'ils tuuuuuuuent ». Flippant.
Bref, on s'habitue. Peut-on finir par aimer un album, n'importe quel album, à force de l'écouter ?
Je n'en sais rien. En tout cas, on se dit que, même si cette Endorphine n'est peut-être pas un grand Daran, elle mérite au moins de s'y attarder un instant. Ou deux.
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De la durée, de la durée... Trop de durée, et pas assez de chanson.
"Halima", 6:60 de logorrhée. Hein ? "6:60" ?? Eh oui, c'est ce qui est inscrit sur la pochette, et j'ignore si c'est un gag façon "Train pour Pau" de Laspalès et Chevalier.
Tous les titres s'enchaînent, comme dans un album concept, par d'habiles transitions musicales, ça c'est plutôt une bonne idée. Un vain effort de se rapprocher du Petit peuple du bitume (album culte). On est en fait plus dans une funeste suite de L'homme dont les bras sont des branches.
Un truc intéressant : l'album boucle sur lui-même, et finit comme il commence. Ce qui donne un autre sens à "Je repars", je rappuie sur la touche Lecture ! -
Tout tout seul
Je repars
Une plage sans chien -
Halima
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La phrase
« La chute c'est bien plus fort que l'équilibre » ("Je repars")
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lui
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…Et maintenant, écoutez !
- daran.bandcamp.com/album/endorphine (357 Clics)
- www.deezer.com/fr/album/47559142 (251 Clics)
- open.spotify.com/album/5ARIxcBLT551b8AnZM4joy (224 Clics)
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Créé le30 octobre 2017
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