Strange as Angels
Les anges ne s'arrêtent pas
Tous les gens de mon âge ont une histoire avec the Cure.
La mienne ? J'étais au collège en pleine curemania et je n'ai pas accroché. Leurs tubes foutraques et sautillants "Close to me", puis "Why can't I be you?", ne me bottaient pas ; leur look non plus. Un copain fan m'a fait écouter toute la discographie, quelques trucs m'ont plu, mais il m'a fallu quelques années – et la sortie de Disintegration – pour que je m'y mette vraiment. En revanche je n'étais pas prêt pour Pornography, leur autre album majeur : il m'a fallu encore du temps avant de goûter sa noirceur empoisonnée, peuplant ma solitude. C'est pas tout le monde qui sait ce que c'est que de se rendre malade avec une musique – et le bénéfice qu'on peut en tirer.
Celle de Marc Collin ? On sait que ce maître de la reprise décalée – Nouvelle Vague c'est lui (pour moitié) – est un grand admirateur de Cure depuis qu'il est tombé sur "A forest" à la radio en 1982. Cette chanson emblématique trouve donc tout naturellement une nouvelle interprétation ici (moins remarquable toutefois que celle de Nouvelle Vague).
Celle de Chrystabell ? Bien qu'environ 10 ans plus jeune que le manitou français, la muse de David Lynch explique avoir eu des expériences révélatoires avec chacune de ces chansons. Autrement, elle a biberonné à la voix d'Annie Lennox et ça s'entend ("One hundred years", flagrant sur la fin, à l'apparition des chœurs) – et tout autant dans l'album solo Midnight star qu'elle vient de sortir.
Loin d'être un best-of, le choix des titres, personnel et cohérent, couvre toute la discographie des Cure dans l'ordre chronologique. L'idée de départ était de faire 13 reprises pour les 13 albums (une par album). À l'arrivée, les albums post-Wish (1992) sont passés à la trappe, à l'exception de l'avant-dernier ("Lost").
Quant au nom du projet, Strange as Angels, il a été pris dans les paroles de "Just like heaven", un standard qui fait lui aussi l'objet d'une belle reprise, style boîte à musique.
Véritables bijoux, toutes ces réappropriations arborent une ambiance très cinématographique. La conversion en voix féminine fonctionne parfaitement, ajoutant parfois une touche de sensualité nullement déplacée ("The walk" en version jazzy). N'en déplaise aux puristes-curistes, qui vont sûrement hurler au crime de lèse-majesté, je dois admettre que je vais probablement avoir un peu de mal à réécouter la version originale de ces chansons-là dorénavant !
En effet, cette relecture met en perspective toutes les qualités mélodiques de la bande à Robert Smith. Il faut savoir que le mannequin américain ne s'est autorisé aucune variation dans les mélodies chantées par Smith ; ce sont les arrangements de Marc qui les emmènent ailleurs. Ainsi, les thèmes de guitare sont presque systématiquement abandonnés ("Friday I'm in love", "Just like heaven", le lugubre "One hundred years"...), sans doute pour éviter la simple copie conforme.
Plus fort encore, pas une seule guitare n'est présente, et pourtant ça passe ! Outre les pianos et synthés rois, on assiste à un défilé de marimbas, de clavecin, de timbales, de cordes, et même un thérémine...
Notons la fabuleuse transformation en valse de "Friday I'm in love" et de "Three imaginary boys". (Pour avoir tenté moi-même l'exercice, sur une tout autre chanson, je connais ce péril, et la distorsion des paroles qu'il impose parfois.)
On peut maintenant rêver que grâce à cet excellent album des gens d'autres âges aient, à leur tour, une histoire avec the Cure.
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13 titres pour 46 minutes, c'était déjà pas mal, certains étant expédiés en 2 minutes ou un peu plus ("Seventeen seconds", "Friday I'm in love", "Dressing up"), d'autres flirtant autour des 5 minutes, heureusement ("One hundred years") ou malheureusement ("Lost").
C'était déjà pas mal, mais voilà que vient de sortir en ce début 2022 une édition Deluxe, numérique uniquement, qui propose d'agrandir le voyage de 3 titres, soit 11 minutes supplémentaires, dont un instrumental ("Three") et un morceau de bravoure ("A strange day").
J'aurais aimé entendre d'eux des titres comme "Want" ou "Bare" (1996), comme "Siamese twins" ou "Disintegration", ou encore quelques sublimes faces B comme "It used to be me"... Dans un Strange as Angels volume 2 ? -
The drowning man
Charlotte sometimes
A night like this -
Lost
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La phrase
« It doesn't matter if we all die » ("One hundred years")
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euxwww.kwaidanrecords.net/strange-as-angels (251 Clics)
fr.wikipedia.org/wiki/Marc_Collin (85 Clics)
fr.wikipedia.org/wiki/Chrysta_Bell (93 Clics) -
…Et maintenant, écoutez !
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Créé le24 mars 2022
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