Ben Mazué - Paradis
Pas radin
Il le dit lui-même, il n'est "pas très original". Car elle est longue, la liste des artistes qui ont traité le thème du paradis ! De Christophe à Orelsan en passant par Chamfort ou Manset. De Phil Collins à Coldplay en passant par the Mission.
Sauf que Ben nomme son nouvel album Paradis tout en racontant... un couple qui se sépare ! Le sien ? Oui, évidemment, en premier lieu, mais ça vaut un peu pour tout le monde en fait.
Ben Mazué n'est pas un inconnu. Il a à son actif non seulement des chansons écrites pour des artistes de renom (Patricia Kaas, Axelle Red, Grand Corps Malade, Zaz, Fréro Delavega, Pomme), mais aussi 3 albums à lui, qui laissaient entrevoir tout son potentiel. Avec ce 4e album, il est enfin au niveau qui est le sien : celui d'un très grand de la chanson française ("Nulle part").
Chanson française, vraiment ? Avec sa voix fluide comme Gérald Genty, ou Mathieu Boogaerts, en un petit peu plus nasale, Ben Mazué possède un flot qui n'a rien à envier aux rappeurs ("Quand je marche").
Mi-chanson mi-rap/slam, il est d'ailleurs dans cet entre-deux, dans cet espace encore peu exploré, à part peut-être par des gens comme Antoine Élie, Suzane ou Eddy de Pretto (lequel ne me touche pas du tout, mais bon).
Avec des accompagnements de bon aloi assez orchestrés en 4 c (claviers-cordes-cuivres-chœurs), son complice Guillaume Poncelet a mis le paquet. Sans non plus en faire trop. C'est-à-dire que c'est réservé à quelques passages dans les morceaux (les finals, le plus souvent).
Quelques intonations à la Vianney ("Mathis", "Gaffe aux autres").
Alternant le binaire et le ternaire, parfois au sein d'un même morceau ("Les jours heureux").
Quelques rythmiques chaloupées aussi, presque créoles et en bonne compagnie ("Le cœur nous anime"), on sent que le disque a été écrit à la Réunion, son paradis à lui. Et le Douanier Rousseau pour la pochette.
Une rupture donc. Sujet classique. Mais que l'on rencontre plus fréquemment chez les artistes. Pourquoi ? J'émettrai 3 hypothèses, l'une n'excluant pas les autres.
- Les artistes sont des êtres à fleur de peau. Ce sont des idéalistes qui supportent mal l'à-peu-près et le compromis. Pas étonnant alors qu'ils se retrouvent souvent en situation de peine de cœur.
- Par essence, le métier de l'artiste est basé sur une énorme demande d'amour. Encore plus si l'artiste monte sur scène. Comme la vie plan-plan n'est pas pour lui, il n'a pas toujours la force mentale de résister aux sollicitations ô combien flatteuses et gratifiantes de ses fans enamouré(e)s.
- La rupture, ça bouleverse, ça laisse des traces, qu'un artiste peut difficilement garder pour lui. Son art est justement le moyen de les exprimer, de les exorciser parfois. Ça fait de bonnes chansons souvent. Qui nous aident nous aussi à vivre avec nos propres douleurs, nos propres tortures, et à les endurer. Rien que pour ça, merci Ben Mazué.
"Pas très original", non, c'est vrai. Mais singulier, oui.
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J'ai fait ma chronique avec comme point de départ le morceau parlé "Pas très original"... alors qu'il ne figure même pas sur la galette ! Seulement sur Internet.
Le Niçois ne nous a pourtant pas lésés, puisque le disque comprend tout de même 13 pistes, pour 40 minutes. Paradis n'est pas radin.
Hormis quelques finals tournants un peu superflus sur quelques titres ("Mathis", "Gaffe aux autres"), les chansons sont bien jaugées, et plutôt courtes.
Pourtant, les textes sont très longs, car le chanteur à la tronche d'Antoine Griezmann, ou de Laurent Terzieff, demeure particulièrement prolixe. Et si le thème général, comme je l'ai dit, est la rupture, il aborde aussi la "Quarantaine", la recherche d'une vie meilleure ailleurs ("Divin exil"), les pensées en trombes qui nous obsèdent ("Quand je marche", avec son « stop ça y est » qui ne vous lâchera pas – sans parler du « oula » de l'intro), le choix de ne pas avoir d'enfant, aussi légitime que le choix inverse ("Parents", co-écrit avec MPL).
Nerveux, les mots s'entrechoquent, résonnent en écho ("Tu m'auras tellement plu"). Il faut des tas d'écoutes pour tout attraper, le son, le sens et la poésie. Mais ça vaut le coup. -
Nulle part
Quand je marche
Tu m'auras tellement plu -
Providence
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La phrase
« Si on n'y arrive pas au paradis, on n'y arrivera nulle part » ("Nulle part")
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lui
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…Et maintenant, écoutez !
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Créé le13 décembre 2020
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