Tamino - Amir
Un amir qui vous veut du bien
Tamino c'est son prénom, qui lui vient... de La Flûte enchantée de Mozart ! Et Amir c'est son 2e prénom. Et son 1er album donc.
Doté d'une voix à tomber par terre — douceur et velouté dans le registre médium ("Verses"), saisissement et fascination dans les aigus ("Habibi" atteint le contre-fa !!), sensualité et ensorcellement dans les graves ("Persephone") — ce garçon est béni des dieux.
Toujours en quête de raccourcis, les observateurs eurent tôt fait de le comparer à un illustre Californien parti trop tôt. Tamino, lui, est européen (et moitié égyptien). S'il a les qualités vocales — indéniables ! — de l'auteur de Grace, il n'en a pas les défauts (trop décousu, pas assez structuré). Ses airs à lui flattent l'oreille tout en sachant rester en tête. Mine de rien, ses mélodies sont joliment travaillées, usant parfois de mélismes ("Ha-bi-i-i-i-i-i-i-bi-i"), et permettant des arrangements généralement dépouillés.
Pas de tape-à-l'œil avec lui, rien que les chansons dans leur pure beauté. Une guitare, un piano. Des cordes à l'orientale sur la moitié des titres (notons "Sun may shine", "Each time", "Intervals"). La batterie est souvent discrète, voire absente ("Habibi", "Persephone").
Fort de ces atouts qui feraient pâlir d'envie bien des chanteurs, y compris des beaucoup plus expérimentés, le ténébreux éphèbe triomphe partout où il passe. J'ai pu observer ce phénomène de mes yeux en live, quelques heures à peine après avoir interviewé un longiligne post-adolescent gentil et timide, à la mélancolie revendiquée : lui.
C'est peu de dire que je l'attendais, ce 1er album. Et qu'il tient toutes ses promesses.
L'ensemble est beau et ondulant. Le morceau le plus remuant, "w.o.t.h." (pour "Will of this heart"), est une sorte de ronde un brin mystique. Il serait parfait en musique de film. Il pourrait même exploser encore plus, ça en aurait fait un vrai bon morceau de rock. Probablement difficile à accoucher (il est passé par toutes sortes d'arrangements), il est incontestablement l'un des moments forts de l'album.
On remarque aussi "Tummy" (Tummyno !?) pour le contraste entre couplets et refrain, pour son petit côté Radiohead, et pour son clip pharaonesque réalisé par son frère Ramy. (Ils sont tous talentueux dans la famille ou quoi ?)
Ses textes, tout en anglais à un mot arabe près ("Habibi" = "mon amour"), se classent en deux catégories : ceux qui usent d'une poésie à demi-mot où chacun pourra se reconnaître, et ceux qui racontent des histoires.
Comme ce "Cigar" qui lui a été inspiré par un tableau de Van Gogh représentant un squelette en train de fumer. Et clip ad hoc. (Son frère encore.)
Comme l'incontournable "Indigo night", l'histoire d'un fils de voyageur soudain entouré de toutes les filles de la ville, qui lui apprennent à être plus vivant que jamais.
La tragédie grecque n'est pourtant pas loin non plus, notamment grâce à ses graves qui me rappellent Tanita Tikaram. (Tiens, pourquoi je pense à elle tout à coup ?) Ou Leonard Cohen, dont le style est plus proche.
Ainsi "Persephone", avec son arpège à 8 croches, dont les accents sur la 4e et la 7e créent un balancier qui décrit bien l'instabilité de Persephone entre le monde des dieux et celui des enfers, dans la mythologie. Cette chanson contient autant de poison enchanteur que le fameux "Wicked game" de Chris Isaak. Jusqu'au double sens de la phrase finale, “I am your fall”, signifiant « Je suis ton automne » (Persephone doit retourner aux enfers chaque automne) mais également « Je suis ta chute ».
Et tenez, dans le genre vénéneux, je ne peux manquer de vous aiguiller vers cette faramineuse reprise des Arctic Monkeys, bien qu'elle ne figure pas sur l'album.
Si les sirènes avaient un équivalent masculin, ce serait Tamino. Vous pouvez en être certains.
Bref, retenez bien ce prénom. Je parie qu'une génération de petits Tamino naîtra bientôt.
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Enfin un album d'une durée honnête, 50 minutes, pour 12 pistes. Cela permet de bien rentrer dans le style à part de ce jeune homme tellement doué et inspiré.
2 des 3 titres atteignant les 5 minutes sont placés au début ("Habibi") et à la fin ("Persephone"). Même s'ils ne contiennent ni longue intro ni longue conclusion instrumentale, ce choix est tout sauf un hasard. Ce sont 2 morceaux emblématiques, parmi mes préférés. À noter qu'en concert c'est l'exact contraire : "Persephone" ouvre le bal et "Habibi" le clot généralement.
Avec tous les titres entre 3 et 5 minutes, l'album, y compris dans son style musical, est très homogène. (Trop ?)
On suivra avec plus que de l'intérêt la suite de la carrière de Tamino et on la lui souhaite longue. Comment va-t-il digérer le succès ? Comment va-t-il évoluer ? Probablement il ne pourra pas se cantonner à un genre limité. Probablement il est capable de tout chanter. -
Indigo night
Habibi
Persephone -
So it goes
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La phrase
« I am only here to break your heart in two » ("Persephone")
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lui
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…Et maintenant, écoutez !
- www.deezer.com/fr/album/75624372 (590 Visites)
- open.spotify.com/album/5znkKeZluet6ArfR5RplEy (425 Visites)
- www.youtube.com/watch?v=Ne0KYyGEBFc&list=OLAK5uy_mHZ5vxBwGRTXPYp9os77XODIXOPbnpMSo (252 Visites)
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Tagsarabe | douceur | Chris Isaak | Tanita Tikaram | Jeff Buckley | Tamino | Leonard Cohen | Radiohead | voix
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Créé le16 novembre 2018
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