Agnes Obel - Citizen of glass
Du verre à soi
Voici un disque qui va me réconcilier avec ma mère. Non que je sois fâché avec elle, mais force est de reconnaître que nous avons assez peu de goûts musicaux communs.
Oubliez donc un instant vos goûts musicaux habituels, qu'ils soient communs ou non, et embarquez pour un voyage féérique. Hors du temps, hors des modes. Comme Enya avant elle.
Pour ce faire, Agnes Obel nous livre une musique très proche du répertoire classique. À commencer par les instruments : elle embarque trois violoncellistes sachant varier leur jeu, avec des glissandos et des pizz. Et bien sûr son habituel piano, dont je ne parviens pas à décider si les arpèges à 6 notes ("Mary", "Trojan horses") sont ternaires (1-2-3, 4-5-6), ou binaires (1-2, 3-4, 5-6). Mais fi de ces considérations techniques ! Laissez-vous emporter par la beauté de la musique et du chant tels un timide rayon de soleil perçant le brouillard et donnant un éclat particulier à la rosée du petit matin. On retient son souffle. Faire durer l'instant suspendu ("Stretch your eyes"). Pour un peu, on verrait presque à nos côtés apparaître dans l'herbe une sauterelle (suggérée par l'instrumental "Grasshopper").
On complète l'alchimie des instruments avec un violon, quelques percussions et un Trautonium (instrument électronique allemand, proche du thérémine ou des ondes Martenot). Pas de guitare ("Familiar"), pas de harpe ("Stone"), pas de métallophone ("Golden green"). Outre donc le piano, Agnes se charge elle-même de tout ce qui possède un clavier : mellotron, épinette, célesta.
Et des voix. Il n'y a pas que sur la pochette kaléidoscopique que l'enchanteresse s'est démultipliée. Dans "Familiar" elle passe le micro à son alter-égo masculin qui n'est autre... qu'elle-même ! La technologie, dont l'emploi est assez inattendu chez ce sosie de Diane Kruger, fait parfois des miracles et permet ici un troublant duo schizophrénique.
Les paroles esquissent des univers poétiques et imagés. Avec cette insigne façon de les transformer en onomatopées ("Stone - cannabee", "Zavenen zavenen zavenen... 'gain" pour "It's happening again") histoire de rendre les mots encore plus musicaux. Et cette manière de retarder l'arrivée du refrain par quelques mesures instrumentales ("Familiar", "Stretch your eyes").
Les voix, les instruments, tout est d'une maîtrise absolue. Et c'est justement peut-être là que le bât blesse. À force de tout vouloir contrôler, il ne reste plus de place pour la plus petite inspiration, pour l'humeur de l'instant, pour la spontanéité et pour le danger. Chacun a les défauts de ses qualités.
Mais, face à tant d'albums produits à la va-vite par crainte d'arriver en retard sur la tendance, ou écrits par-dessus la jambe, ou juste non aboutis, ce travail d'orfèvre reste un vrai plaisir et fait un tel bien à l'oreille qu'il devrait être remboursé par la Sécurité Sociale. Ce n'est pas ma mère qui dira le contraire.
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Une moyenne de 4 minutes par titre. Ce n'est pas un hasard si les 2 plus courts sont les instrumentaux.
On passe au-delà des 5 minutes sur l'épique "Trojan horses", ainsi que sur le morceau qui ouvre et sur celui qui ferme.
À noter le 'fade' (decrescendo) : habituellement j'ai tendance à regretter ce genre de fin, essentiellement sur des refrains en boucle, synonyme pour moi de manque d'imagination de l'artiste (ou du producteur). Ce n'est pas le cas sur ce (seul) "Mary". Il s'agit plutôt de s'éclipser doucement sur la pointe des pieds, en répétant à l'envi 5 phrases de texte sur la même phrase musicale. Préserver le frêle équilibre sans se casser la figure. Chut, bébé dort. Le silence qui suit Agnes Obel est encore d'Agnes Obel. -
Familiar
Stretch your eyes
Stone -
Golden green
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La phrase
« Our love is a ghost that the others can't see » ("Familiar")
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elle
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…Et maintenant, écoutez !
- agnesobel.bandcamp.com/album/citizen-of-glass (369 Visites)
- www.deezer.com/fr/album/14331834 (424 Visites)
- open.spotify.com/album/3jTTLPuVcL6J9pgujnU1lS (308 Visites)
- www.youtube.com/watch?v=N0mV1raPQ3o&list=PLZbxxQVmo3LiQ-ShSOlLAyZ3k4K-HlFjH (264 Visites)
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Créé le7 décembre 2017
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