the Hyènes - Verdure

« L'amour ça n'est jamais que du cul. » C'est bien une phrase de mec, tiens !
À moins que, à la réflexion, passé l'effet de la provocation, ce ne soit aussi un aveu de faiblesse, une réduction de l'homme à un animal. Et pas n'importe quel animal. Une hyène. Rieuse, moqueuse, pas sympa pour deux ronds. S'ils en ont emprunté le cynisme, ces Bordelais sont en revanche bien sympathiques, eux.
J'ai quand même du mal à souscrire à cette phrase.

Contrairement à tout le reste de l'album ! À la musique, déjà. Un bon "rock à papa" à l'ancienne. De ce que le rock français fait de meilleur. Coucou Axel Bauer, Astonvilla, Daran... Et bien évidemment Noir Désir, puisque – leurs fans le savent certainement déjà – le batteur Denis Barthe officie ici, et que l'on peut reconnaître son jeu, lourd et précis à la fois.

Avec une 1^re piste très blues-rock, le bon riff me rappelle plein de bonnes choses connues. Serait-ce "When the levees break" de Led Zep ? le final de "Jeanne" de Gildas Arzel ? Oui, et sûrement plein d'autres, et des plus proches encore : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. !
"Elle s'en fout". Elle, c'est la mort. Morceau rebaptisé "Hel s'en fout", Hel étant la divinité des morts et du monde souterrain dans la mythologie scandinave, nous apprend le livret.
Le ton est donné. Sans être 'gothique' ni mystique, l'album reviendra régulièrement sur cette exploration de la part d'ombre, de la tentation du mal en chacun de nous ("Plus dark que Vador", "Tu peux dormir tranquille").

Musicalement, on remarquera la stratégie de l'empilement progressif : un instrument qui rentre toutes les 4 phrases sur "Bègles". Un single accompagné d'un clip où le (anti)héros n'est autre que Philippe Poutou himself !
On trouvera des solos de guitare électrique qui font le job proprement, mais peut-être à peine assez mis en valeur dans le mix final.

Un titre (un seul) pourrait être taxé de rock FM variété années 80, poussant même le vice jusqu'au solo de saxo ("Efface").
Ou un peu plus encore en arrière dans le temps ("Fucking Mondays", ressorti de leur 1^er album) : un titre saturé en anglais (le seul) qui évoque les Strokes, les Struts, les Stranglers, les Strypes ou les Str...je ne sais quoi.

Les textes sont bons, tous de la main de Vincent Bosler, le chanteur. Souvent politiques ("Ici-bas"), tendance écolo ("Verdure"), ou balladuriens pour la blague ("Efface"), ou narrant un quotidien qui ne l'est pourtant pas, narrant ("Ça s'arrête jamais", "Va mourir à Bègles" comme disent les bobo-rdelais arborant des « médailles à titre postiche »), ou encore renvoyant dos à dos fachos et antifas ("Johnny vs Johnny").
Si vous en avez assez des textes tellement tortueux qu'on n'y comprend plus rien (c'est mon cas), si vous en avez assez des textes tellement insipides qu'ils ne racontent strictement rien (c'est mon cas), alors vous devriez vous repaître de cette verdure-là.

Les 4 lascars, réunis il y a 14 ans par la grâce d'une B.O. pour Dupontel – et ils ont choisi ce nom de groupe pour l'en remercier –, ont déjà de bons kilomètres au compteur. Ça s'entend bien dans ce 3^e album, auquel on ne peut pas reprocher des erreurs de jeunesse, et en grand progrès par rapport au 1^er. Toutes les ficelles du bon rock sont là, et on peut être sûr que ça va continuer, puisque, comme dans le jeu vidéo, "Ça s'arrête jamais".
Et le rock, ça n'est jamais que du... Euh, qu'est-ce que je dis là moi ?