Interview de Magali Michaut
De rencontres en rencontres
– Qui es-tu, Magali Michaut ?
– Ça commence fort ! Je suis auteure-compositrice-interprète, française résidant au Danemark. Je suis chercheuse. Violoniste également.
– Ton album Impressionniste sort le 27 août, et un joli travail a été fait sur les arrangements, par rapport aux versions guitare-voix que tu jouais en live pendant le confinement au printemps 2020. Tu peux nous raconter comment tu as travaillé ces arrangements, et avec qui ?
– C'est tout un processus dont j'avais envie, mais qui n'a pas été évident et s'est fait en plusieurs éléments.
D'abord, j'ai joué avec des musiciens, à des occasions différentes. J'ai joué pendant longtemps avec un contrebassiste et avec un guitariste. Début 2020, j'ai rencontré un violoncelliste, Samuel Künstler, élément important car je voulais absolument du violoncelle sur mes chansons.
Puis j'ai écrit des partitions en réfléchissant aux instrumentations que je voulais.
Enfin, j'ai discuté des idées d'arrangements avec Louise Nipper chez qui je suis allé enregistrer. Quand j'allais répéter avec les musiciens, on testait des choses, que j'envoyais à Louise en lui demandant ce qu'elle en pensait. On a travaillé comme ça progressivement, et puis à un moment je me suis dit « Voilà, on va faire ça, on aller au studio pour enregistrer ça. »
– Comment as-tu rencontré les musiciens ?
– De plusieurs manières. J'ai créé l'association des chansons françaises au Danemark assez rapidement en arrivant. Ça a été un moyen de rencontrer des gens intéressés par la chanson. J'ai rencontré Katrine [Rømhild] comme ça, à un concert organisé par l'association. Je lui ai piqué guitariste et bassiste, que je trouvais très bons. (rires) Après c'est en demandant à droite à gauche, à chaque fois que je croise des musiciens, par connaissance.
Le pianiste, Lars-Emil [Riis], c'est en allant dans un café, dans un genre de scène ouverte où les chanteurs sont accompagnés par un piano et une contrebasse.
Et le duduk, c'est encore une autre histoire, c'est grâce à Facebook.
– Le quoi ?
– Le duduk, c'est le nom de l'instrument qui est sur "Toujours là", c'est un hautbois arménien. C'est un instrument que j'adore. Y avait un post là-dessus sur un groupe Facebook de Copenhague. Je suis rentrée en contact avec le gars, Arsen [Petrosyan], et je me suis rendu compte qu'il n'habitait pas du tout à Copenhague mais en Arménie. On a donc fait tout en ligne.
– J'ai lu que tu avais une carte de visite double face : la scientifique au recto, l'artiste au verso. Je trouvais ça amusant comme procédé. C'est toujours le cas ?
– Ce n'est plus le cas. J'ai eu ça, effectivement. Quand j'étais à Amsterdam on n'avait pas de cartes au boulot, j'avais fait des cartes pour la musique et je m'étais dit « Autant faire les 2 d'un coup », ce qui me permettait quand j'en donnais en conférence scientifique de donner aussi l'aspect musique.
Mais quand je suis arrivée à l'Université de Copenhague, comme on a la possibilité de se faire faire des cartes de visite pour le travail, qui sont donc payées par l'Université, je n'ai pas osé mettre la musique au dos. Et puis je n'ai plus forcément envie de mettre la recherche au dos de la musique. Donc j'ai des cartes séparées.
– Quelle place occupe la musique dans ta vie ?
– Une place de plus en plus centrale, qui me tient beaucoup à cœur. Émotionnelle, créative. Thérapeutique dans un certain sens.
– Comment ça, thérapeutique ?
– Ce n'est pas très original, mais je pense que j'ai commencé à écrire parce que j'étais traversée d'émotions fortes ou difficiles que je ne savais pas forcément exprimer. Ça a été une manière d'exprimer les choses, pas forcément à d'autres gens, mais plus pour moi. Petit à petit, ensuite, j'ai eu envie de partager ce que j'avais fait, mais au départ ce n'était pas du tout envisageable.
– Tu te souviens de la première chanson que tu as écrite ?
– Oui, à peu près.
– C'était quoi ? C'était quand ? Ça parlait de quoi ?
– C'était en 2010, je pense, c'était en anglais, ça faisait « Open your mouth, open your mind, there's no reason to be inside ». Ça parlait justement d'être soi, d'essayer d'être positif et de rayonner autour, dans la vie des autres. J'en ai une version studio qui n'est jamais sortie.
– C'est quelque chose qui reste, ce n'est pas un brouillon ou une erreur de jeunesse, c'est vraiment une première vraie chanson ?
– Oui oui. Après, sur l'écriture j'ai pas mal évolué. On avait fait un truc sympa au studio, mais c'est juste que ça ne me ressemblait pas tout à fait. C'était beaucoup plus pop etc.
– C'est bien, parce que tu amènes la question suivante. Tu as suivi de nombreux stages d'écriture de chansons (Astaffort, Volo...) Que t'ont-ils apporté ?
– Plein de choses ! Évidemment l'aspect écriture, voire co-écriture parce que j'ai fait des ateliers Listening Room Songwriting Retreat, organisés par un certain Brett Perkins [son conjoint (N.d.R.)]. C'est comme ça qu'on s'est rencontrés, quand j'ai fait le 1er atelier à Copenhague. Chaque jour on écrit avec quelqu'un de différent.
– Pas évident.
– Non, pas du tout évident, mais très intéressant, très formateur. Sur le plan technique, créatif, ça apporte plein de choses. Ça permet de voir comment d'autres personnes écrivent, de partir de points de départ différents plutôt que de rester dans sa petite routine à soi, si on en a une. Et, tout aussi important, ça m'a apporté des rencontres. Écrire ensemble amène assez souvent sur des sujets qui sont assez personnels, intenses. Ça crée des connexions très fortes très vite.
Ça m'a apporté une communauté, une tribu, qui au départ était plutôt folk étranger, parce que les ateliers que je faisais étaient dans différents pays (Danemark, Irlande, États-Unis, Italie...) Et plus récemment, sur Astaffort et Volo, là c'est plus le réseau français.
– Comme tu es une globe-trotteuse, on aurait pu s'attendre à ce que tu sortes des trucs branchés en anglais. À l'inverse, tu fais de la chanson française disons traditionnelle. C'est pour maintenir le lien avec tes racines ?
– Au départ j'écrivais en anglais, quand je vivais à Toronto. Dans les ateliers que je faisais, la langue commune c'était l'anglais. Il y a 2 ans, j'ai commencé à réfléchir de manière plus concrète sur ce que je voulais faire comme album. Au début, je le voyais un peu comme un partage des chansons que je faisais sur scène, donc beaucoup de chansons en anglais. Puis je me suis dit que, pour pouvoir le défendre, il valait mieux que ce soit la musique vers laquelle j'avais envie d'aller. Donc, très clairement, écrire en français.
– À ton avis, comment est perçue la chanson française à l'étranger ?
– Dans les pays où j'ai vécu, il y a une partie de la population locale que ça fait rêver. Ça rappelle des souvenirs, pour ceux qui ont vécu un an ou 2 à Paris... En tout cas il y a un imaginaire fort en général avec la chanson française. Sans doute plus pour une certaine génération, on va dire les plus de 40 ans.
Sinon, il y a quand même des associations assez fortes avec Paris : c'est romantique, c'est l'amour...
– C'est un peu cliché non ?
– Oui, mais c'est un cliché que beaucoup de gens ont, à l'étranger.
– Donc tu cherches à en jouer ? non ? c'est pas spécialement calculé ?
(s'insurge) – Ah non non ! Mais quand tu as écrit en anglais et en français, tu te rends compte que tu peux aller beaucoup plus loin dans ta langue maternelle. J'ai un peu l'impression de faire du cloche-pied quand j'écris en anglais, en termes de qualité d'écriture.
– Tu joues très bien avec ce que tu viens de dire dans "Ma petite chanson parisienne". C'est la seule en anglais, avec des petites touches de français compréhensible internationalement. Elle est plus ancienne peut-être ?
– C'est une co-écriture issue d'un atelier, avec un artiste suédois, Patrick Rydman, qui date de 2015. C'était une collaboration vraiment intéressante parce que Patrick est très bon et voulait vraiment qu'il y ait de nous deux dans la chanson. Et c'est allé très vite.
Et c'est vrai que là je peux jouer un petit peu sur ce qui, en français, parle aux étrangers : « c'est chouette », « c'est la vie »...
– Tout à l'air simple et facile pour toi. Éducation ? Illusion ?
(rires) – Je ne sais pas comment c'est pour les autres. Ça me fait penser à ma mère qui me disait quand je faisais du tennis : « Toi on dirait que tu n'es pas fatiguée, alors que l'autre est toute rouge et transpirante ». Alors que moi à l'intérieur j'étais morte pareil, mais ça se voyait moins. Alors je ne sais pas... Sans doute, illusion. Ou si tu as envie de croire que je suis géniale, ça me va aussi. (rires)
– J'ai l'impression que ça a avancé, que ça n'a pas toujours été comme ça, que tu as vécu des choses plus difficiles et que maintenant tu as dépassé ça et que tout paraît facile à présent.
– Je suis quelqu'un d'assez intérieur. Donc tu peux totalement avoir l'impression que tout va bien, alors qu'en fait à l'intérieur ça ne va pas. Je ne veux pas mettre une sale ambiance, mais ça ce n'est pas dépassé du tout. La vie, y a des moments où ça va et des moments où ça ne va pas.
– Ça me rappelle une chanson pas connue de Francis Cabrel, qui était aussi le titre d'un de ses albums, qui disait « Je suis quelqu'un de l'intérieur ».
– Je pense que c'est vrai pour lui, et sans doute pour moi aussi, j'écris des chansons parce que je ne sais pas dire les choses.
– Je te propose de regarder la liste des albums chroniqués sur japprecie. Quels sont ceux que tu connais ? Quels sont ceux que tu apprécies ?
– Je sais déjà qu'il y a Volo ; je crois même que c'est grâce à toi que je les ai découverts.
Dernièrement j'ai découvert aussi Slim Paul. J'ai bien aimé certaines chansons.
Après, les Goguettes je connaissais. Ben Mazué je connaissais, j'adore.
J'ai redécouvert Agnes Obel aussi. Ah si, j'ai découvert aussi... la Suédoise là... Sophie Zelmani.
Auren je connaissais un petit peu. La Maison Tellier...
Eiffel, je les ai même vus en concert à Notre-Dame-de-Gravenchon, en Normandie, un petit bled, dans une petite salle, en préparation d'une grosse salle. Bon, c'était surtout l'univers de mon copain de l'époque, mais ça m'avait plu. Et Daran, que j'écoutais à la même époque.
Clara Luciani j'aime bien. Pomme évidemment.
En tout cas, je me rappelle la 1re fois que je suis tombée sur ce blog, de voir des artistes que je connaissais déjà et qui me plaisaient bien, je me suis dit « Tiens, ça, ça a l'air intéressant ! »
Alors Frédéric Fromet, j'adore. Je connais surtout par ce qu'il fait sur Inter. Faudrait que j'écoute ses CDs.
– As-tu d'autres artistes à suggérer aux japprecinautes ?
– Sans doute tout plein ! Éric Frasiak, avec qui j'ai discuté à Barjac.
Après ça va être très chanson et très folk. Frédéric Bobin.
Y a Daguerre : je l'ai vu en petit concert à Astaffort, c'était sympa. Quand on a fait la formation, on avait fait chacun une chanson, et ensuite lui avait fait un set.
Après, faut que je réfléchisse... Ah si, tu as Clarika sur ton site ?
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– Comment gères-tu le temps, la durée, dans tes chansons ?
– Je fais pas mal de réécriture. C'est-à-dire que quand j'écris je me permets de répéter plusieurs fois des choses que j'aime bien. Et je sais que j'y reviendrai après pour essayer d'avoir un regard un petit peu plus critique, un petit peu plus extérieur, en essayant de voir à quel moment je perds l'auditeur ou l'auditrice, et de me dire : « Là on s'ennuie un peu, toi t'es contente avec ton motif que t'aimes bien mais si tu le répètes 4 fois ça va être un peu long ».
– Mais c'est dur à faire, quand tu es complètement dedans, que tu connais la moindre note, la moindre intonation de voix par coeur, comment peux-tu avoir un regard extérieur ?
– C'est un travail.
– Il y en a qui confient ce travail à une tierce personne.
– Peut-être. Mais ça a aussi été fait sur scène. Je sens ce que le public potentiellement ressent, si c'est trop long ou trop court.
Après, j'ai quand même un format assez classique.
Mais il y a aussi certains arrangements qui ont été adaptés pour le studio. Par exemple, "Du silence" avait plus de refrains. Au moment de l'enregistrer, j'ai essayé de la rendre plus efficace en termes d'impact pour l'auditeur. -
• le chocolat
• le soleil
• les concerts -
l'arrogance
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La phrase
« Il y a un imaginaire fort avec la chanson française. »
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ellemagalimichaut.com/fr (121 Clics)
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…Et maintenant, écoutez !
- www.deezer.com/fr/artist/9636768 (118 Clics)
- open.spotify.com/artist/6scy9TRA0fXXdoOZr75VRb (107 Clics)
- soundcloud.com/magalimichautmusic (91 Clics)
- www.youtube.com/c/MagaliMichaut (76 Clics)
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Créé le24 septembre 2021
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Propos recueillis le 20 août 2021.
Merci à Magali Michaut.