Interview des Goguettes (en trio mais à quatre)
Soit 10 ans
– Puisque vous fêtez vos 10 ans, on commence par un petit retour en arrière. Que s'est-il passé, il y a 10 ans, pour que vous vous trouviez et décidiez de monter ce groupe ?
Stan – On s'est tous rencontrés dans un bar à Paris qui s'appelle Le Limonaire, où tous les lundis il y avait une scène ouverte de goguettes. Moi j'y allais depuis 2005. Je faisais déjà des petits spectacles dans des tout petits lieux de goguettes à Paris, avec Clémence qui m'accompagnait au piano. Lors d'une soirée goguettes, Valentin est venu me dire qu'il y avait un bar dans le 20e qui aimerait bien faire une soirée goguettes. Je lui ai dit qu'on pouvait le faire ensemble tous les 2, et même tous les 3 parce que ce soir-là il y avait Aurélien et que c'était toujours très bien à chaque fois qu'il venait aux soirées du Limonaire.
Aurélien – On ne se connaissait pas. On se fréquentait parce qu'on allait au même bar le lundi soir mais on n'était pas spécialement amis.
Stan – Et donc on a décidé de faire tous les 3 des goguettes, avec évidemment Clémence au piano pour nous accompagner.
Aurélien – Mais ça devait être une fois. C'était en févier 2013. Sauf que ça a très bien marché.
Stan – ...ce qui fait qu'on a continué. Après il y a eu une longue ascension, jusqu'à aujourd'hui.
– Je crois que c'est toi, Stan, le chansonnier de la troupe, au départ ?
Aurélien – L'ancien ! (rires)
Stan – Oui. Au départ je suis juriste en droit du travail, c'était mon métier principal, mais j'aimais bien écrire des choses plutôt drôles. Et j'ai bien aimé le concept de la goguette parce que tout à coup ça devenait politique et un peu humoristique. Et puis surtout sur des chansons connues, ce qui me permettait de ne pas avoir à faire mes propres chansons, ce que je ne sais pas forcément faire. Ce que je ne savais pas très bien faire non plus à l'époque, c'était chanter, mais après 10 ans je me suis un peu amélioré.
– Pourquoi cet ajout entre parenthèses "en trio mais à quatre" ?
Aurélien – C'est très simple. Comme Stan faisait ses goguettes en solo, quand on y est allé pour présenter nos chansons à nous, Valentin, Stan et moi on s'est dit « on va mettre "en trio" », en exigeant qu'on soit quand même 4 sur scène parce que Clémence était au piano. C'est vrai que maintenant qu'elle a un rôle beaucoup plus important dans le spectacle on ne comprend pas ce "mais à quatre", mais à ce moment-là elle avait un rôle uniquement d'accompagnatrice, elle était très en retrait. Après le 1er spectacle on nous a dit : « Mais pourquoi vous dites "en trio" ? Vous êtes 4 sur scène. » Donc on a rajouté "mais à quatre" entre parenthèses, parce que Goguettes en quatuor ou en quartette, ça faisait... sérieux...
– Jazzman...
Aurélien – Oui, ou classique, donc ça ne collait pas. "Mais à quatre" c'est débile.
Stan – Y a un effet comique, qui finalement est resté...
Aurélien – ...et on n'a jamais trouvé vraiment mieux.
– Et à quel moment Clémence a pris plus part au processus création et chant, à peu près ?
Aurélien – Quand ça a commencé à devenir un peu plus mis en scène, je dirais, vers 2017, avant qu'on arrive à Avignon. Elle-même l'a manifesté, elle a commencé à chanter et à écrire plus, avec "Je suis de droite !"...
Stan – Ça doit être à partir de 2016, 2017... mais sachant que les 3 premières années on ne jouait pas non plus beaucoup, peut-être 6 ou 7 fois dans l'année, pas plus.
– Dans l'histoire du groupe, clairement il y a eu un avant et un après confinement, un avant et un après "T'as voulu voir le salon".
Stan – Clairement !
– Qu'est-ce qui a changé ? Est-ce que ça vous a changés ?
Aurélien – Non, je ne pense pas. Ce qui a changé, c'est peut-être la tournée qui a suivi derrière, parce qu'on a grimpé d'un cran dans le côté pro. Avant on avait du mal à pousser la porte des gros médias.
Stan – Ça a beaucoup facilité la vie de notre tourneur aussi, pour trouver des dates. Avant le Covid on arrivait quand même à remplir, mais c'étaient souvent des abonnés, des gens qui ne nous connaissaient pas. Alors qu'après le Covid le public nous connaissait dès le départ, on sentait plus d'enthousiasme dès le début. Avant parfois on ramait pour aller les chercher.
Aurélien – On construisait le spectacle en se disant « Dès la 4e chanson faut qu'on aille les chercher » etc., parce qu'il y avait ce côté crescendo. C'est différent maintenant, parce qu'il y a des gens qui connaissent les chansons par cœur... Ça a changé beaucoup. Et puis on nous reconnaît dans la rue.
Stan – Oui, un peu plus. Bon, c'est pas l'émeute non plus.
– Je pense quand même que votre talent aurait fini par se faire reconnaître de toutes façons. Aviez-vous vu des petits signes dans ce sens avant 2020 ?
Aurélien – Ruquier nous a un peu adoubés, nous a fait prendre confiance. On a fait une fois On n'est pas couché. Je me rappelle m'être dit que si un gars comme Ruquier était capable de nous mettre à la télé, s'il nous faisait confiance, ça voulait dire qu'on avait notre place.
Stan – On a eu un 1er passage aux Grosses têtes qui nous a fait faire un petit buzz sur notre chaîne YouTube et sur nos vidéos.
Aurélien – Et il y a aussi un musicien et professeur de chant, Marco Béacco, qui est quelqu'un du milieu de la chanson, malheureusement décédé, qui avait vraiment du métier, qui nous a découverts assez tôt, 2015-16, et il nous faisait marrer en disant « Quand vous ferez vos 1res télés... » ! Mais je pense vraiment qu'il avait vu le potentiel du truc.
Stan – Et le 1er buzz, c'est Bruno Le Maire. Son conseiller de campagne en 2017, à la primaire, avait sur sa sonnerie de téléphone la chanson "Elle préfère Bruno Le Maire", notre goguette. Il se trouvait avec une journaliste d'Europe 1, son téléphone s'est mis à sonner, elle a entendu cette chanson et s'est dit « Mais c'est quoi ça ? c'est hyper drôle », et le lendemain elle en a fait une chronique sur Europe 1, qui a même été reprise après sur France Inter par Rebecca Manzoni.
– Les très bonnes "goguettes auxquelles vous avez échappé" avaient-elles été faites en entier, ou vous n'arriviez pas à les finir et vous avez mis bout à bout les fragments qui étaient OK ?
Aurélien – Y avait certaines chansons qui étaient des bouts, qui n'ont jamais été finies. Et puis on en a rajouté. Exprès pour faire un medley, un zapping.
– Quelles relations entretenez-vous avec vos collègues dans le même registre ? Je pense à Frédéric Fromet tout particulièrement.
Stan – Des bonnes relations.
Aurélien – Il est venu faire une chanson avec nous, à la Cigale, l'année dernière, on l'avait invité et il a accepté volontiers. Après on n'est pas devenus amis pour autant, mais c'était une rencontre sympathique.
– Vous suivez ce qu'il fait ?
Stan – Bien sûr.
– Il suit ce que vous faites aussi ?
Aurélien – On suppose.
– On n'a plus les Guignols ; vous êtes prêts à prendre la place ?
Stan – (rires) Ça demande du boulot.
Aurélien – C'était en quotidien, c'est un autre boulot. Mais je comprends que pour les spectateurs il y ait un lien, une filiation. On a été biberonnés aux Guignols tous les 4. Et c'est clair que c'est un manque. Mais c'est toujours comme ça, ça se recrée sous une autre forme après.
– Ou d'autres formes.
Aurélien – D'autres formes, avec le même esprit.
Stan – Sauf qu'à la télé y a quand même plus grand chose.
Aurélien – Mais la télé perd quand même de son importance.
Stan – Oui, Internet a remplacé.
– Vous êtes tous les 4 musiciens ?
Aurélien – À des degrés divers.
Stan – Moi non je ne suis pas musicien.
Aurélien – Moi un peu, Clémence a fait le conservatoire et musicologie, et Valentin sérieux aussi il peut jouer de beaucoup d'instruments.
– Ça ne vous démange pas de composer aussi ?
Aurélien – Valentin, Clémence et moi on le fait.
Stan – Mais par ailleurs.
Aurélien – Oui. Pour les Goguettes on ne le fera jamais, c'est pas le but.
– Et de faire des parodies "dans le style de" ?
Stan – Ah oui, on n'y a pas pensé, c'est vrai.
Aurélien – Moi je faisais des chansons gamin, vers 5-6 ans, du faux Brassens. À la manière de. Je faisais "à la manière de" Goldman aussi... De toute façon, quand on commence c'est toujours en imitant. On en est plus ou moins conscient.
– Et de jouer les imitateurs parfois ?
Stan – Non parce qu'on n'a pas le talent, on ne sait pas très bien faire, mais ceci dit quand Aurélien chante Johnny il a...
Aurélien – Oui j'ai tendance par réflexe à essayer d'imiter un peu mais c'est pas...
Stan – ...c'est pas de l'imitation pure et dure.
Aurélien – Prendre un peu le ton, l'intonation, parce que ça peut rajouter du décalage humoristique avec ce qui est dit.
Stan – Mais il ne fait pas « Ah que coucou ! »
Aurélien – Et puis je n'aime pas trop les imitateurs...
Stan – Ceci dit, Thierry le Luron était un bon imitateur avec des bons textes quand même.
Aurélien – Oui mais j'aimais pas spécialement ça.
– C'était un défricheur, on a eu largement mieux depuis, en imitation pure.
Stan – En imitation pure c'est possible, mais en textes c'est pas sûr, il était quand même assez bon. D'ailleurs c'était pas forcément lui qui les écrivait. C'était plutôt Bernard Mabille.
– On fait la liste de vos projets parallèles, à chacun ?
Stan – Moi c'est pas artistique.
Aurélien – Alors, Clémence est aussi pianiste de la chanteuse Agnès Bihl...
Stan – ...qui prépare actuellement un album piano-voix pour ses 25 ans de carrière.
Aurélien – Valentin prépare un nouvel album aussi. Et il joue aussi avec Lise Martin dans un spectacle qui s'appelle Presque un cri, sur Vyssotski, le poète et chanteur russe, traduit en français.
Et moi j'espère faire un nouvel album aussi.
– Bossa, non ?
Aurélien – Non, chanson. J'ai fait un 4-titres brésilien l'année dernière oui, mais j'ai fait des albums de chansons en français et en anglais avant aussi.
– Je vous propose de regarder la liste des albums chroniqués sur japprecie. Quels sont ceux que vous connaissez ? Quels sont ceux que vous appréciez ?
Aurélien – Yann Pierre je le connais, on a chanté ensemble. Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vus.
La Maison Tellier aussi. Volo bien sûr, bah Fromet...
Ah, Alphaville !! Alphaville ? Je ne sais pas ce qu'ils font aujourd'hui.
– Ils ont fait ça en 2017.
Stan – Moi je connais Zaho de Sagazan. C'est plutôt chouette, j'aime bien.
Aurélien – J'ai plutôt pas mal écouté Tom McRae il y a une 10aine d'années, j'aimais bien. Rover je connais mais sans connaître bien.
Liz Van Deuq je la connais de vue, pas personnellement. (À Stan) C'est une jeune femme qui chante souvent au Forum Léo Ferré.
Stan – Ben Mazué je connais, je suis pas forcément très fan.
Aurélien – Y a Franz Ferdinand que j'aime bien. Je connais aussi parce qu'ils ont fait un album avec Sparks, FFS.
Stan – Pomme, je connais, sans plus.
(Ils en cherchent d'autres) Aurélien – Non moi je suis largué.
Stan – Ah ben si, y a Eiffel quand même, on connaît très bien le guitariste. Ceci dit, je connais de nom, mais je n'ai jamais écouté. Je n'ai pas beaucoup de curiosité musicale. Je me suis arrêté à la chanson française des années 70-80, en gros. Avec quelques exceptions, quand même.
– Oui, parce que pour faire les tubes d'aujourd'hui en goguette...
Stan – Souvent c'est pas moi.
Aurélien – Et puis les tubes d'aujourd'hui c'est pas comme les tubes d'avant, ça ne parle pas forcément à toutes les générations. À l'époque où il n'y avait que 3 chaînes, tu avais des tubes. Tout le monde les connaît encore. Alors qu'aujourd'hui il n'y a que des trucs de niche. À part quelques chansons quand même de temps en temps, comme Clara Luciani...
Stan – Angèle, Stromae...
– Avez-vous d'autres artistes à suggérer aux japprecinautes ?
Aurélien – Comme découverte ces dernières années, il y a un Américain qui s'appelle Ben LaMar Gay. Alors il fait des trucs jazz impro que j'aime moins, mais sinon il y a des choses plus chanson.
Stan – Nous dernièrement on est allés voir Voyou et c'était très chouette. C'est vraiment très bien.
-
– Comment gérez-vous le temps, la durée, dans vos vidéos ?
Aurélien – Que veux-tu dire par là ?
– À quel moment vous vous dites « Là c'est bon on a fini la chanson », ou « Faut enlever un pont », « Faut remettre un pont »... ?
Aurélien – On a un format chanson qui nous est déjà imposé, donc on a un cadre dans les durées...
– Vous gardez strictement la même durée que les originales ?
Aurélien – Pas forcément. Ça dépend de ce qu'on a à dire.
Stan – Parfois au bout de 2 couplets on n'a plus grand chose à dire parce que le sujet ne mérite pas qu'on en dise beaucoup...
– ...et vous publiez même si ça fait moins de 2 minutes par exemple ?
Stan – Oui, on peut.
Aurélien – Ça dépend de la chanson. La dernière courte qu'on a publiée c'est "La dédiabolisation".
– J'y pensais. Celle-là, par rapport à l'originale, y a pas toute la partie finale.
Aurélien – Oui, y avait une idée très simple, très précise, et parfois ça sert à rien de s'étaler 3, 4, 5 minutes. Quand la fléchette est bien envoyée, en 2 minutes ça...
Stan – Et notamment là ce qui a primé dans "La dédiabolisation" c'était de le sortir très vite après l'évènement.
– C'est le problème avec le fait de traiter l'actualité, faut réagir vite.
Aurélien – Oui, et puis après ça joue sur la temporalité. Si on veut faire une vidéo chiadée ça nous prend plus de temps, comme avec "49.3".
– Et puis l'autre effet de l'actualité, c'est que 2 ans après ça a peut-être moins de saveur.
Stan – C'est sûr, mais après y en a qui traversent le temps quand même.
Aurélien – Clairement. Mais c'est ça qui est différent par exemple des Guignols. Même si c'est arrivé qu'on écrive le jour même ou pour le lendemain, en tournée on peut ne pas être toujours dans l'écriture à chaud. Mais si on parle d'un truc qui a 1 mois, les gens vont trouver ça très récent pour une tournée, alors que dans une quotidienne les Guignols ne pouvaient pas se le permettre. Ce n'est pas la même temporalité.
– Et dans vos concerts, vous gérez comment, la durée du spectacle, quelles chansons mettre, les plus longues, les plus courtes, est-ce qu'on rallonge par rapport à ce qui était enregistré sur disque ou vidéo, ou pas... ?
Aurélien – C'est vraiment la question du rythme, on va éviter des passages trop lents, trop mous, avec des chansons qui vont se suivre et qui manquent de rythme.
Stan – C'est ça, on essaie d'alterner les chansons plus lentes avec les chansons plus dynamiques. De caler quelques chansons dynamiques dans des endroits un peu stratégiques : au bout de trois-quatre, au milieu du spectacle, vers la fin, en toute fin.
– C'est l'expérience qui parle.
Stan – Oui. De toute façon on tâtonne. Puis tout d'un coup on arrive sur une setlist qui fonctionne bien donc on la garde. Mais le problème c'est que, comme on enlève et qu'on rajoute des goguettes assez régulièrement...
Aurélien – Et on est arrivé à une durée totale qui nous convient bien : 1h30 à 1h40. À chaque fois qu'on fait plus on le sent.
Stan – La durée idéale c'est 1h40 en gros, rappels compris. C'est une bonne durée. -
• la série La fabuleuse Mme Maisel
• l'auteur britannique Jonathan Coe
• "Fort Alamo" de Jean-Louis Murat -
CNews
-
-
La phrase
« "Mais à quatre" c'est débile. »
-
euxwww.lesgoguettes.fr (170 Visites)
fr.wikipedia.org/wiki/Les_Goguettes_en_trio,_mais_%C3%A0_quatre (153 Visites) -
…Et maintenant, écoutez !
- www.youtube.com/@Goguettesentrio-maisaquatre- (177 Visites)
- www.deezer.com/fr/artist/12204524 (249 Visites)
- open.spotify.com/artist/2UY8y4AIZuD83AxhtIyRT2 (146 Visites)
-
TagsVoyou | Ben LaMar Gay | les Guignols | Frédéric Fromet | vidéo | ascension | Bruno Le Maire | Laurent Ruquier | Le Limonaire | spectacle | goguettes | Paris | interview
-
Créé le23 juin 2023
-
-
Propos recueillis le 31 mai 2023.
Merci aux Goguettes (en trio mais à quatre) et à l'Alliage.